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La psychose hallucinatoire chronique

Il s'agit d'une psychose survenant tardivement, caractérisée par un délire systématisé à thème persécutif avec présence d'hallucinations et d'automatisme mental.

Au niveau théorique, c'est une entité française. La description princeps paraît revenir à Gilbert Ballet qui, en 1912, proposa d’isoler cette forme particulière de psychose chronique. Ballet a insisté, à l’époque, sur la fréquence des troubles prémorbides du caractère, sur la précocité des manifestations cénesthésiques et sur l’ampleur, la diversité et la richesse des hallucinations et des idées délirantes où dominent les thèmes persécutifs. Plus tard seront soulignés l’existence constante des processus de devinement et d’écho de la pensée. Cette description est d’autant plus précieuse que ce n’est qu’entre 1920 et 1926 que Gaëtan Gatian de Clérambault décrira de manière systématique ces phénomènes sous le nom d’automatisme mental.

Aujourd’hui le diagnostic de psychose hallucinatoire chronique repose encore sur ces mêmes éléments : 1) L’âge de début est relativement tardif, surtout par rapport à celui classiquement décrit dans les schizophrénies ; 2) On ne retrouve pas, contrairement à la schizophrénie, de processus dissociatif ; 3) Le syndrome serait plus fréquent chez les femmes, il s’agirait, le plus souvent, de femmes seules. Toutefois cette prépondérance féminine est diversement appréciée.

L’existence d’un délire est constante, celui-ci est relativement systématisé et ses thèmes sont le plus souvent, persécutifs. Ce délire est sous-tendu par des mécanismes qui peuvent être multiples, mais sont essentiellement de nature hallucinatoire.Parmi ces hallucinations, la présence d’un automatisme mental est constante. L’existence de cénesthésies, particulièrement génitales, est très évocatrice du diagnostic. Typiquement, il s’agit de sensations de pénétration sexuelle, à distance, quasiment toujours vécues comme désagréables.

L’évolution est chronique, classiquement, elle s’opère en quatre phases :
1) La phase d’inquiétude, où les premières apparitions de l’automatisme mental commencent à inquiéter le patient.
2) La phase de persécution où les voix intérieures et extérieures se font de plus en plus menaçantes. Le malade perçoit des insultes, souvent à thème sexuel. Apparaissent aussi des cénesthésies, des hallucinations psychosensorielles, olfactives et/ou gustatives. L’association de ces différents mécanismes à une thématique délirante essentiellement persécutive, entraîne l’élaboration de croyances complexes volontiers centrées sur l’existence de machines envoyant des ondes maléfiques ou susceptibles d’influencer les pensées et les actes du sujets.
3) Lors de la phase des idées ambitieuses une note mégalomaniaque réalise une sorte de « compensation » aux outrages subis antérieurement.
4) La phase de démence enfin, au sens d’affaiblissement, de détérioration mentale a aujourd’hui quasiment disparu car la thérapeutique parvient, le plus souvent, à « enkyster » le vécu délirant sans le faire disparaître, laissant persister des périodes peu actives contrastant avec celles d’intense activité délirante ou périodes fécondes.

La possibilité d’une intégration sociale est longtemps conservée. Cela s’explique par le caractère relativement systématisé du délire qui se développe dans un secteur assez bien circonscrit, les autres données du réel, au moins au début, demeurant indemnes de toute « contamination » délirante.

Ce syndrome, pourtant a priori bien défini, est absent de la classification américaine (DSM). Sans vouloir développer en détail cette dernière, notons que les manifestations en rapport avec ce que nous appelons la psychose hallucinatoire chronique sont incluses dans la schizophrénie telle qu’elle est définie dans le DSM-III. Cependant, un article de 1990, paru dans l’American Journal of Psychiatry s’est intéressé à l’existence d’une entité baptisée « schizophrénie à début tardif ». La lecture attentive de cet article permet au clinicien français de retrouver, à peu de choses près, la classique psychose hallucinatoire chronique telle qu’il est habitué à la reconnaître.
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