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Enquête familiale et anamnèse dans l'investigation clinique

Partie intégrante de l’investigation clinique, l’anamnèse – étymologiquement, retour sur le passé – est traditionnellement en médecine la recherche des antécédents et des causes. En psychiatrie, sous l’influence de la psychanalyse, le sens et la valeur des données anamnestiques ont profondément changé, mais plus encore la démarche anamnestique elle-même.

En médecine, ses modalités sont fonction de ses buts, à savoir le recueil des informations sur le passé individuel et familial et, plus précisément, la recherche des facteurs étiologique, des épisodes pathologiques antérieurs, des caractéristiques du « terrain » individuel et familial, et des données héréditaires et mésologiques susceptibles de jouer comme facteur favorisant d’une maladie. Dans cette optique, il est important d’obtenir des notions précises et vérifiables et surtout de ne pas omettre des faits importants.

Ainsi, la logique même de la recherche anamnestique tend à imposer une remémoration aussi exhaustive que possible ; elle est d’emblée ordonnée ou remise en ordre en fonction de catégories préétablies. Le champ d’investigation est défini a priori ; il peut être restreint par la visée étio-pathogénique à propos d’une affection donnée, ou comporter l’ensemble des éléments permettant d’apprécier la santé et la maladie chez un sujet donné. 

La technique de l’interrogatoire cherche à maintenir, voire à mener, le récit du patient ou de sa famille sur le plan des éléments objectifs et à utiliser par recoupements les confirmations par voie directe ou indirecte ; ainsi le problème est-il celui de la critique des témoignages, comme dans tous les domaines de la méthode historique : multiplier les sources d’information, soumettre les éléments obtenus à vérification, etc. A la limite, il s’agit de traquer les souvenirs comme on peut traquer les symptômes, en incitant le sujet à préciser toujours davantage, en soutenant sa remémoration par des incitations, par des questions, ou encore en allant au-devant de ses souvenirs en lui suggérant de prendre des repères temporels ou spatiaux, en lui proposant des hypothèses qu’il devra confirmer ou infirmer, etc. La visée de cet interrogatoire amène à considérer comme parasites les éléments subjectifs ainsi que les digressions.

Ce type d’enquête anamnestique incite à utiliser des formulaires, des questionnaires, pour lui donner une systématisation plus grande. L’usage des ordinateurs a relancé l’intérêt pour cette méthode, étant donné la masse d’informations qu’il est possible de traiter et de comparer, d’un sujet ou d’un groupe à l’autre. Le questionnaire anamnestique peut se limiter au champ restreint d’une pathologie d’organe ou de fonction, utilisé alors comme moyen diagnostique et comme moyen de recherche de facteurs qui ont pu passer inaperçus. Il a, ailleurs, une prétention exhaustive à des fins de dépistage ; il devient alors d’un maniement lourd et difficile et se heurte à la réticence des malades et des médecins. La nécessité de délimiter a priori le champ d’investigation et d’élaborer des catégories préétablies dans un questionnaire fermé (même à choix multiple) comporte le risque que ne soit redonné que ce qui a été introduit au départ. Ainsi obtient-on confirmation ou infirmation plus que données nouvelles.

Il faut noter que, dans le cadre de la pathologie somatique, les facteurs étiologiques héréditaires ou événementiels sont en nombre relativement restreint ; encore que l’histoire de la médecine soit faite de leur remise en question et de leur multiplication et que les domaines les plus récemment explorés imposent la prise en considération de nombreuses variables autrefois négligées, par exemple d’ordre mésologique ou hygiénique.

Dans le cadre de la psychiatrie infantile, les facteurs objectifs ont un rôle souvent plus difficile à préciser et qui n’est pas dissociable du sens qui leur est donné par l’enfant et par son entourage au fur et à mesure de l’histoire de son développement. Néanmoins, l’enquête familiale peut prendre la forme d’une anamnèse méthodique, surtout dans le cadre d’une recherche épidémiologique ou pour des travaux de recherche à partir d’hypothèses bien définies. La perspective génétique en psychologie normale ou pathologique utilise cette méthode. Il est toujours possible d’étudier les liaisons statistiques ou les corrélations entre les éléments objectifs de l’histoire de la famille, les conditions socio-économiques, d’habitat, etc., et l’occurrence de telle ou telle conduite.

Les objectifs de cette méthode restent forcément limités sous peine de simplifications abusives. En effet, les éléments objectifs sont souvent de définition ou de recueil difficiles et surtout leur incidence sur le développement normal ou pathologique de l’enfant est liée à de nombreuses autres variables qui échappent par nature à l’investigation anamnestique ainsi conçue.

Dans les années 30 et 40, les études de L. Bender, L.P. Clark et J. Bowlby ont été fondées sur la méthode suivante : regrouper des sujets ayant un même syndrome, de mêmes symptômes ou des traits de personnalité interdépendants, rechercher les antécédents qui permettent d’en rendre compte par l’exploration du passé, comparer les données anamnestiques obtenues dans ce groupe avec celles obtenues dans un groupe témoin. La validité de cette méthode se heurte au fait que des sujets exposés aux mêmes situations pathogènes n’ont pas tous la même évolution et les mêmes symptômes. Aussi la recherche anamnestique trouve-t-elle un complément dans la méthode catamnestiqueillustrée par Goldfard et Bowlby. Les sujets sont regroupés en fonction des mêmes antécédents bien définis, l’observation porte sur les effets supposés au niveau du comportement. Il faut noter que, quelles que soient les précautions prises, l’échantillon est supposé homogène, alors qu’il ne l’est que pour certaines variables définies a priori et objectivables. D’autres variables, plus difficiles à contrôler, sont toujours en jeu. Les insuffisances de la méthode apparaissent nettement si l’on observe qu’un groupe homogène quant aux facteurs pathogènes objectifs se révèle hétérogène quant aux effets observables, tandis qu’un groupe homogène quant aux effets observables se révèle hétérogène quant aux facteurs pathogènes objectivables.

Dans le domaine de la psychopathologie de l’enfant, il est impossible d’adopter un modèle de causalité linéaire simple comme c’est clairement illustré par les problèmes soulevés par les « syndromes de carences maternelles précoces » et à propos de la pathologie traumatique en général. Bien qu’il s’agisse d’un facteur étiologique qui peut être objectivé et précisé dans sa durée, dans son type (de même que peuvent l’être également les conditions de survenue, les réactions de l’enfant à ce moment-là), de nombreuses variables sont en jeu et, outre l’âge de l’enfant et les caractéristiques de son état mental et se son développement au moment de l’évènement, interviennent des facteurs constitutionnels qui ont pu être décrits comme une plus ou moins grande vulnérabilité, fonction du degré d’intégration biologique et psychologique et des modes de réponses préférentielles (excitation ou inhibition par exemple) mais aussi, bien sûr, de développement ultérieur.

La logique même de la méthode anamnestique ainsi conçue tend à valoriser une remémoration aussi exhaustive que possible, de façon à reconstituer les stades du développement, mais seulement sur les différents plans où celui-ci peut être objectivé. Or cette objectivation fait elle-même problème : l’implication personnelle des témoins introduit une distorsion qui ne peut habituellement pas être corrigée. Une telle démarche appelle bien des critiques : illusoire dans sa visée de totalisation, elle tend d’autre part à privilégier les conceptions réalistes et simplistes du développement comme résultat global d’un grand nombre de facteurs partiels. Les facteurs extérieurs sont indûment valorisés aux dépens des processus internes. En effet, ceux-ci ne sont pas seulement tenus à l’écart, mais activement méconnus par l’investigation anamnestique elle-même dans la mesure où elle rejoint la rationalisation des parents.

L’imputation d’évènement extérieurs non seulement à l’enfant mais à la vie familiale écarte toute responsabilité des parents et se trouve renforcée par le modèle de causalité privilégié par la culture. Ainsi s’explique le succès de la notion de « traumatisme », avec le glissement facile du traumatisme physique au traumatisme psychique, alors qu’il s’agit souvent de « trauma écran ». En effet, du point de vue psychanalytique, le traumatisme psychique est avant tout le moment d’une répétition : par conséquent l’événement n’a d’importance qu’en fonction du passé du sujet qui en détermine l’impact fantasmatique.

Il ne s’agit plus ici des limites liées à la visée objective de l’anamnèse, mais bien de la distorsion de l’anamnèse par le processus d’objectivation qu’elle peut faciliter ; celui-ci est au service de la déculpabilisation des parents, mais il entraîne la méconnaissance des informations réellement utiles sur l’histoire subjective de l’enfant et de la famille et le renforcement des rationalisations qui rend plus difficile et moins féconde une anamnèse ultérieure. C’est la raison donnée par un grand nombre de psychiatres pour ne pas procéder à une anamnèse systématique avant les premiers entretiens à visée diagnostique.

La psychanalyse a en effet profondément remanié le sens même de l’investigation anamnestique, par la place faite aux conflits et au fantasmes inconscients dans les interactions parents-enfants en tant que facteurs de développement, par la place donnée à la sexualité infantile, au conflit œdipien et par les nouvelles perspectives sur le développement ouverte par les modèles génétiques qu’elle se donne. La remémoration ne se propose pas de retrouver le passé dans une recherche perfectionniste, illusoire et le plus souvent inutile, mais elle s’admet d’emblée comme reconstitution à partir des repères objectifs et subjectifs du passé vécu. Les événements ne peuvent être retrouvés qu’à partir du récit des parents, lequel est fonction de leurs propres élaborations. En effet, ils ne sont ni spectateurs, ni témoins plus ou moins impliqués ; ils sont partie prenante dans les conflits les plus décisifs pour l’organisation mentale de l’enfant. Leur implication personnelle, obstacle dans l’anamnèse à visée objectivante, est, ici, l’essentiel de ce qui est à entendre dans les dimensions consciente et inconsciente, actuelle et passée. La plus large place est donc faite à la dynamique inconsciente des relations parents-enfants, mais cela n’est possible qu’à partir de l’attention portée à la dynamique même de l’entretien anamnestique. L’investigation anamnestique ainsi comprise suppose la mise en jeu de la dynamique personnel des parents sur le plan de la relation à l’enfant, de la relation des parents entre eux, et de leur relation actuelle à l’investigateur. Ainsi ces données sont-elles fonction des raisons et des modalités de la demande dans ses implications inconscientes, éventuellement transférentielles. C’est en fonction de cette actualité de la demande et de la relation à l’investigateur que le passé se reconstruit. Mais cette reconstruction du passé est par elle-même significative de l’organisation mentale de chacun des parents et de la relation actuelle et passée à leur enfant. A la limite, l’évocation du passé n’est plus qu’un moyen de comprendre le présent ; par le recul qu’il permet, il rend l’expression des conflits plus aisée

Le détour par le passé apparaît ainsi comme opportunité et tactique de l’entretien, visant à favoriser l’expression de la dimension inconsciente des interrelations parents-enfants. Toutefois, si l’évocation du passé ouvre à une pluralité de significations du présent par la décentration qu’elle permet et les digressions qu’elle induit, elle peut apporter des éléments précieux qui viendront confirmer ou invalider les hypothèses explicatives ou interprétatives qui peuvent être esquissées à partir des diverses sources d’information qu’utilise la démarche diagnostique. 

En d’autres termes, du fait que l’entretien n’est pas centré sur le sujet qui parle, mais sur l’enfant qui est amené en consultation, l’évocation du passé laisse parfois plus aisément filtrer les implications inconscientes, comme si les mécanismes de refoulement se trouvaient plus facilement pris en défaut. Plus particulièrement, le récit des épisodes de la pathologie somatique de l’enfant est d’autant plus révélateur que les parents ne se sentent pas responsables de leur survenue. La perception par les parents de leur enfant est fonction de leurs propres projections, mais aussi de la réponse apportée par celui-ci ; l’évocation de mots, de gestes, de comportements à partir de souvenirs concrets, alors même qu’ils étaient restés énigmatiques pour les parents, révèle clairement leur sens au cours d’un entretien de ce type. Il conduit souvent à l’émergence d’éléments significatifs des relations infantiles des parents à leurs propres parents, émergence qui peut être d’ordre transférentiel, produire des prises de conscience et avoir un effet thérapeutique immédiat.

L’anamnèse associative se fait dans le cadre d’un entretien de type psychanalytique centré sur l’histoire de l’enfant et de sa famille à travers la subjectivité des parents. Elle suppose des conditions favorables, de temps, de lieu, de formation et de disponibilité personnelle de l’investigateur. Celui-ci laisse l’initiative aux parents, encourage leurs digressions, manifeste son intérêt et son attention en maintenant une attitude de neutralité : il est attentif aux effets induits par l’investigation elle-même en fonction du contexte (consultations antérieures, type des troubles de l’enfant, etc.) mais aussi attentif à sa propre implication et à ses contre-attitudes. De cette façon, il percevra le sens des lacunes, des contradictions, des zones confuses, des répétitions dans l’histoire de l’enfant telle qu’il la reconstruit. Ces modalités indicatives de l’inconscient permettent en effet d’élaborer une reconstruction évidemment hypothétique, mais qui est la source des hypothèses que pourra affiner la démarche diagnostique. Les dénégations, de même que les souvenirs-écrans, seront respectées, mais pour donner lieu, éventuellement, à une investigation ultérieure ; de même que les lacunes. Celles-ci témoignent souvent de zones tabous, c’est-à-dire d’aménagements défensifs, par rapport aux conflits les plus significatifs, mais aussi par rapport à la dimension transférentielle de la relation facilitée sinon induite par l’analyste.

L’anamnèse ainsi envisagée risque de se dissoudre dans l’entretien de type psychanalytique avec les parents, lequel suppose une prise en charge de ceux-ci. Insensiblement, la centration risque de se faire sur un des parents, évacuant la réalité propre de l’enfant. Aussi n’est-il pas possible de s’en tenir à ce type d’investigation et est-il important de ne pas perdre de vue la spécificité de l’anamnèse en psychiatrie de l’enfant. En effet, la demande vient souvent de l’école et des parents, mais rarement de l’enfant. Il s’agit donc d’une demande faite par quelqu’un pour quelqu’un d’autre et la disponibilité à l’entretien de type analytique, même s’il est à visé anamnestique, est toute différente de la disponibilité de celui qui demande une aide pour lui-même. La demande de consultation pour l’enfant apparaît d’autre part comme une mise en échec des parents : la méfiance et la culpabilité sont parfois telles qu’il est préférable de s’en tenir à une anamnèse réduite, quitte à la compléter par la suite.

D’autre part, des éléments très disparates déterminent la réalité psychique de l’enfant. Anna Freud a critiqué la tendance des psychanalystes à ne s’intéresser qu’à ce qui est le plus profond, et le plus caché, en méconnaissant des dimensions importantes de l’organisation psychique de l’enfant, du développement des différentes fonctions et du poids de la réalité extérieur. Il est bien contestable en effet de centrer l’investigation sur l’analyse du désir inconscient de la mère considérée comme seul déterminant du développement. Plutôt que d’opposer aux attitudes réelles des parents leurs fantasmes inconscients, mieux vaut se demander ce qui, chez l’enfant, peut être déterminé par les attitudes réelles des parents telle que les infléchissent leurs fantasmes inconscients. Sous peine de reconstruction prématurée, hasardeuse ou erroné, il est nécessaire de recueillir des éléments suffisants sur des plans différents.

En effet, on ne saurait trop insister sur le risque de se contenter de constructions arbitraires à partir d’a priori théoriques qui tendent à fonctionner comme système exclusif et aboutissent à une réduction à des schémas généraux trop peu spécifiques portant à évacuer la réalité de l’enfant et de son entourage. L’intelligibilité ainsi introduite séduit et rassure ; elle paraît donner une prise sur des données en fait complexes, et inévitablement hétérogènes et fragmentaires.

Ainsi l’anamnèse, en tant que méthode, pose des problèmes qui sont d’une part, ceux de la critique historique contemporaine et, d’autre part, ceux que cette même critique a induits dans le champ de la psychanalyse : notamment la critique de « l’historicisme ». Si, à propos de la cure, on peut opposer schématiquement ceux qui mettent l’accent sur la construction, par l’analyste, d’un espace psychanalytique (Viderman S., 1972) et ceux qui s’en tiennent à la notion du passé (réellement vécu) recomposé (Pasche F., 1974), on peut concevoir l’anamnèse comme la construction d’un espace d’intelligibilité clinique, fait des représentations que se donne nécessairement le clinicien au fur et à mesure qu’il poursuit son investigation d’un cas et qu’il recourt à des modèles explicatifs ou interprétatifs. Ce point de vue met en évidence le caractère relatif et provisoire des schémas qui organisent les données de l’anamnèse et rappelle que le point de départ de l’anamnèse n’est pas tant une lointaine origine des troubles qu’il faudrait retrouver, que la situation concrète actuelle d’une demande suscitée par une inquiétude ou une souffrance.

La prise de conscience de ces nécessités de la démarche diagnostique en psychiatrie de l’enfant a amené les psychiatres à donner des modalités différentes à l’anamnèse. Les éléments objectifs portant sur les conditions de vie de la famille (socio-économiques, de logement, etc.), l’histoire objective de la famille, les parents et les grands-parents, les particularités des liens de parenté et les données biographiques actuelles peuvent donner lieu à une enquête systématique, préalable ou parallèle au premiers entretiens diagnostiques. Souvent confiée à l’assistante sociale, elle peut s’appuyer sur un questionnaire préétabli, éventuellement complété ultérieurement. Il est évident qu’on ne peut se satisfaire, d’une étude descriptive et d’une limitation a priori aux données factuelles (les événements, les étapes d’acquisition, l’histoire objective de l’enfant et de sa famille, etc.). Il n’est pas moins évident qu’on ne saurait se contenter du sens que tout cela peut prendre dans l’histoire subjective des parents et dans l’actualisation de leur propre enfance. La psychanalyse introduit une théorie du développement qui est centrée sur la notion de conflit inter et intrapsychique dont peut rendre compte la métapsychologie par la référence aux plans dynamique, économique et structural. Mais cela n’exclut pas la prise en considération des particularités du développement sous l’angle des différentes organisations fonctionnelles. La « Psychologie psychanalytique » de l‘enfant en tentant d’intégrer les données provenant de la clinique, de l’observation directe et celles qui proviennent des reconstructions des événements de l’enfance au cours de l’analyse des adultes et au cours de l’analyse des enfants, a limité la place de la méthode anamnestique ; mais elle lui a simultanément donné une autre portée : la reconstitution du passé donne des éléments à la reconstruction qui étaye les hypothèses diagnostiques et oriente les interventions thérapeutiques. Les indications données par l’anamnèse sur les modes d’aménagement antérieurs des conflits, les modes de réaction de l’enfant ont une valeur de prévision ; telle ou telle étape du développement prend une signification propre à chaque enfant, mais des hypothèses peuvent être faites si on connaît l’âge de l‘enfant, le contexte relationnel et le mode d’organisation antérieur des conflits.

Les processus de développement intègrent des éléments disparates et difficiles à saisir dans la complexité des interrelations. Anna Freud (1968) a proposé de restreindre provisoirement le champ d’investigation en regroupant les données selon une perspective limitée ; elle définit ainsi des « lignes de développement » qui ne sont pas abstraites mais qui tentent de saisir la « réalité historique » des processus en jeu dans un domaine défini de la personnalité. L’étude des processus de développement ainsi simplifiée peut trouver une plus grande cohérence. L’évolution de l’enfant de la dépendance à l’autonomie est, par exemple, une ligne de développement utile à l’appréciation de la maturité, du normal ou du pathologique. On sait qu’elle a donné lieu à une théorisation originale de D.W. Winnicott. L’accession à un niveau quelconque de l’une de ces lignes de développement représente, selon Anna Freud, le résultat d’une interaction entre le développement des pulsions, celui du système Moi-Surmoi, et leurs réactions aux influences de l’entourage.

Dans cette perspective, les données anamnestiques sont un des éléments qui rendent possible l’évaluation du « profil métapsychologique global de l’enfant » ; orientées en ce sens, elles peuvent être organisées en une sorte de schéma directeur permettant l’enregistrement des informations les plus utiles sur le développement et sur les interrelations de l’enfant et de son entourage.

CONCLUSION

Comme nous l’avons vu, l’incitation au rappel du passé ne saurait viser à une reconstitution complète, mais le passé actualisé par la remémoration suscite la prise de conscience de ses correspondances avec le présent, remet en question les fausses évidences de la rationalisation et, par-là, instaure dans la relation à l’investigateur un processus mobilisateur et inducteur de mouvements transférentiels qui peut faire de l’investigation anamnestique non seulement un moyen de diagnostic et de pronostic mais aussi une intervention thérapeutique.

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